Brèche : le point de vue du Collectif Chinonais environnement
23 mars 2016
Après avoir alerté, par un courrier du 24 août 2015, sur les dangers d’utiliser les berge de Vienne pour y créer des espaces de stationnement, le Collectif Chinonais environnement faisait part sur son site internet, , le 22 novembre 2015, de son opposition au projet actuel “Brèche cœur de ville” et avançait des propositions alternatives. Extraits.
Ce projet, voté à la majorité par le Conseil Municipal du 16 juin 2015, consiste à construire un ensemble de bâtiments sur l’actuel parking de la Brèche, aujourd’hui occupé par un espace bitumé pour les voitures, très légèrement arboré. Selon les plans et maquettes présentés dans le centre d’information du public de la place Hofheim, il s’agit d’un parking-silo de 5 niveaux pouvant accueillir 200 véhicules, encapuchonné par différents bâtiments aux ambitions cumulées : commerces et magasins, locaux associatifs, crèche et son jardin, etc. L’ensemble s’établit par strates, sur des terrasses s’étageant depuis le niveau du parking actuel jusqu’en contrebas du château. Un escalier mis en façade de cet ensemble zigzague d’un niveau à l’autre.
Un second ascenceur est rajouté à celui existant, pour simplement franchir quelques mètres de dénivelé.
L’ensemble compact ainsi formé s’avance très avant depuis la falaise dans la ville.
Il est complété en vis à vis par un bâtiment de grande hauteur, comprenant des logements, remplaçant crèche et bâti actuels.
La diversité des volumes et des orientations des pans de toiture font sans doute référence à la ville médiévale.
L’analyse du projet par le Collectif Chinonais Environnement
1. L’attraction des véhicules en centre-ville historique de Chinon : un choix dépassé et inadapté
Porter la capacité du parking de la Brèche de 80 places à 200, correspond à une volonté politique d’augmenter les possibilités de se garer en centre-ville. Or, doubler la capacité d’un parking en centre-ville engendrerait des circulations démultipliées dans des ruelles non prévues à cet effet ainsi qu’une pollution supplémentaire d’un espace majoritairement piéton.
Ce projet va à contre sens de l’évolution actuelle des mentalités et de ce qu’entreprennent de nombreuses villes et capitales (centres-villes piétons, parkings extérieurs, augmentation des transports en commun, etc.) Il n’est pas question d’interdire les véhicules automobiles dans le centre-ville, mais il s’agit de ne pas inciter plus de véhicules à circuler dans les ruelles du vieux Chinon.
Nous constatons aujourd’hui que, même dans ses moments d’activités les plus intenses, l’ensemble des parkings de la ville apparaît couvrir les besoins (ceux de la place Jeanne d’Arc, de la forteresse, celui face au cimetière en cours d’agrandissement, celui de l’Espace Rabelais…) à condition d’organiser la signalétique, voire des navettes depuis les parkings les plus excentrés pour accompagner les visiteurs dans le centre de Chinon
2. Un montage financier s’appuyant sur une gestion privatisée de l’espace public pesant sur les usagers et les Chinonais à court et long terme
Le budget pour réaliser le projet “Brèche Cœur de ville” annoncé à 11,7 millions d’euros est notamment bouclé en s’appuyant sur la mise en gestion privée de la majorité des places de parkings proches du centre-ville financées par de l’argent public (au total 500 places dont les 200 prévues dans l’îlot de la Brèche), et par une augmentation de places payantes. Outre le fait que les Chinonais vont perdre quotidiennement les qualités d’un d’accès peu onéreux à cette ville, la gestion des parcmètres entre opérateur privé et services municipaux reste floue à ce jour (en référence l’article publié dans la Nouvelle République le 7 octobre 2015 portant sur les débats du Conseil Municipal du 5 octobre).
La privatisation ou la vente de divers bâtiments ou emplacements, est également prévue.
Il faut rappeler le rapport public annuel de février 2015 de la Cour des Comptes sur ce sujet, qui attire l’attention des collectivités territoriales sur ce type de contrats public-privé générant de fortes contraintes à long terme et présentant des risques généralement sous-estimés ; elle précise que l’équilibre économique de ce type de partenariat est défavorable sur le long terme aux collectivités territoriales. La Ville de Chinon est déjà fortement endettée, pénalisée par des emprunts toxiques. Ainsi ce choix actuel risque-t-il encore d’aggraver pour le futur la situation financière de la commune et de ses habitants, alors même que ce Conseil Municipal ne sera plus présent lorsque les conséquences s’en feront ressentir pour les contribuables locaux.
3. Des doutes quant à l’utilité d’un grand espace pour un restaurant et pour des magasins supplémentaires en centre-ville
La ville de Chinon dispose déjà de nombreux restaurants. Si l’ambition d’attirer un grand chef est louable, l’expérience montre que des restaurants se créent dans des espaces existants, que le restaurateur aménage de manière adaptée.
De nombreux espaces commerciaux vides existent dans les rues piétonnes du centre-ville. Ils donnent au promeneur une image triste de Chinon. Les fonctionnalités propres à ces bâtis anciens pénalisent probablement l’installation de nouveaux commerçants, mais il faut cependant analyser plus finement les raisons de la désertification commerciale du centre-ville avant de créer de nouveaux espaces commerciaux.
4. Un programme trop dense pour l’espace disponible et un manque de qualité des espaces et bâtiments créés projetés
L’effondrement de la falaise au début du XXème siècle et la destruction du bâti qu’il a entrainé, a créé un espace ample dans la partie basse de la ville, permettant à la lumière d’entrer au cœur d’un tissu urbain, très dense ; lumière d’autant plus belle que reflétée une grande partie de la journée par la paroi de la falaise.
Au lieu de préserver ces qualités acquises et de travailler à la constitution d’un espace public, qui de terrasses en terrasses paysagées en montant le long de la falaise, permettrait aux habitants et visiteurs de passer en promenade d’une large place en bas, à la partie haute de la ville, profitant au fur et à mesure de leur montée des multiples points de vue sur les toitures et la vallée, le projet actuel de la Ville comble cet espace magnifique et supprime cette respiration urbaine.
Il y fait rentrer au forceps un trop grand nombre de bâtiments, de locaux, tous contraints, dont aucun ne sera de qualité.
Deux exemples seulement :
– Une crèche dont le jardin orienté nord, coincé entre falaise et parois hautes de plusieurs niveaux du parking, ne recevra jamais les rayons de lumière naturelle, alors que cet espace est dédié aux enfants ;
– Un escalier placé en façade, potentiel élément de promenade urbaine mais sans majesté ni qualité, dont l’étroitesse n’offrant qu’une succession de couloirs – corridors entre murs aveugles et résidus d’espaces sans intérêt ni convivialité – ne sert en réalité que d’issues de secours aux différents niveaux du parking. Et les formes architecturales qui se veulent inspirées de celles, médiévales ou classiques, n’en seront qu’un pauvre reflet, parce que jamais « à la hauteur » en terme d’épaisseurs des murs garde-corps ou des profondeurs des tableaux de fenêtres par exemple.
5. Un impact du chantier dans des espaces contraints et sur le commerce de centre-ville, loin d’être neutre et méritant un débat citoyen
Dix-huit mois de chantier, sans doute sous-estimés sont annoncés, dans un contexte d’espaces contraints et de rues étroites pour la plupart des engins et camions. Cette circulation risque de mettre en péril une partie du bâti alentour, certaines parties de murs en encorbellement et gênera la circulation et la vie riveraine.
Les promoteurs du projet ont-ils analysé le risque que les commerces de centre-ville soient boudés pendant toute la période de travaux par des clients potentiels qui hésiteront à s’engager dans la ville ? Le résultat d’une telle analyse mérite en tout cas une présentation et un débat citoyen.
Des éléments pour un projet alternatif
1. Des enjeux liés à l’urbanisme
Ce projet met en lumière un double enjeu d’urbanisme et de société : concilier d’une part l’attrait touristique de Chinon en écartant les véhicules du centre-ville comme le font la plupart des villes ayant un passé historique et une architecture médiévale et, d’autre part, gérer l’habitude prise depuis des décennies par les automobilistes de garer leur véhicule au plus près des commerces.
Il s’agit d’autre part de continuer à restaurer cette ville (habitat et commerce), comme cela a été entrepris depuis plusieurs années.
2. Une proposition de consultation d’équipes constituées d’architectes-paysagistes-designers.
Une telle consultation permettrait de retravailler en tenant compte de plusieurs ambitions :
– confirmer les qualités de la ville de Chinon dont « le luxe » tient moins à l’arrivée de commerces de prestige qu’au développement d’une promenade calme et flâneuse autant longitudinale que verticale, entre Vienne laissée sauvage et château sur sa falaise ; à ses espaces de convivialité possible ; à la beauté de son site et l’ouverture sur la vallée ; à la réhabilitation des logements et des commerces à l’abandon ;
– renforcer la priorité à une mobilité douce dans la ville pour les habitants et pour les visiteurs en supprimant la priorité aux voitures ;
– permettre la maîtrise locale et durable de décisions non livrées aux exigences et aux normes de rentabilité d’acteurs privés.
La mise en jeu de la démocratie locale
Cette consultation pourrait s’appuyer sur la mise en place “d’ateliers publics d’urbanisme et d’architecture” menés par des professionnels, dans lesquels les habitants feraient l’expérience des probématiques en jeu dans un projet d’aménagement urbain, et débattraient des grandes options possibles du projet.
En conclusion :
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le Collectif Chinonais Environnement est opposé aux conséquences majeures qu’entraînera le projet actuel :
– la détérioration de la qualité de vie du fait de l’arrivée de voitures en grand nombre en cœur de ville
– une architecture sans qualité engendrée par un cumul de fonctions
– la disparition d’un espace et de bâtiments publics du cœur de la ville
– les risques financiers dont la population n’a pas la visibilité
– la privatisation des parkings actuellement publics de Chinon
Il appelle donc le Maire et le Conseil Municipal de Chinon à reconsidérer le projet présenté à ce jour, et, soit à laisser le parking tel qu’il est actuellement en l’aménageant quelque peu (plantations, réhabilitation de murs pignons et de clôtures de certaines habitations donnant sur cet espace…) soit à lancer une consultation de concepteurs accompagnée de la mise en place “d’ateliers publics d’urbanisme et d’architecture”.