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19 mars 2024

Programme Cœur-de-Ville
Une embarcation entre les récifs


Dans un article intitulé “Action Cœur de ville : investir dans le patrimoine pour l’attractivité des territoires“, R. Mouchel-Blaisot, directeur du programme national Action Cœur de ville, livre un point d’étape émaillé de nombreux exemples encourageants sur l’avancée du dispositif. Hélas pour les Chinonais, il semble que, chez eux, les élus aient décidé de faire tout le contraire. L’Etat, co-signataire de la Convention, parviendra-t-il à y mettre bon ordre ?

Alors que le dispositif commence à engendrer, dans de nombreuses villes, des actions concrètes de revitalisation, M. Mouchel-Blaisot, préfet et directeur du programme national Action Cœur de ville, a rédigé un point d’étape qui rappelle l’ambition du projet, ses principes fondateurs, les instruments sur lesquels il s’appuie et les réalisations qui  émergent dans les 222 localités choisies pour en bénéficier. Force est de constater, malheureusement, qu’à Chinon, dix-huit mois après avoir signé la convention qui les engagent dans le programme, les élus municipaux et communautaires ne semblent partager ni les ambitions, ni les principes fondateurs du directeur du programme national. Mais après un départ en roue libre et des dizaines de milliers d’euros investis dans des études plus ou moins approfondies, le retour de l’Etat à la barre pourrait éviter au processus de se fracasser contre les récifs…

Concertation : des études biaisées et des cabinets-conseils aux ordres*
R. Mouchel-Blaisot – L’enjeu, c’est de traiter simultanément tout ce qui concourt à un centre-ville attractif […] sans oublier l’association précieuse des habitants.

Et à Chinon ? Chacun sait que Jean-Luc Dupont, qui estime que son mandat confère à ses idées une valeur supérieure à celles de ses concitoyens, part avec un handicap quand il s’agit de concertation. Pour ce qui concerne “l’association précieuse des habitants“, après un lancement en fanfare, le cabinet EKER, chargé de mettre en musique le “dialogue citoyen“, l’a rapidement mis en sourdine et les échanges sont vite devenus confidentiels. Seuls les plus motivés ont continué à participer à des réunions de plus en plus “technos” au cours desquelles des consultants trentenaires, élevés sur les bords du Canal Saint-Martin, expliquaient aux Chinonais ce dont ils avaient besoin.

Les travaux du cabinet Horwath, spécialiste du tourisme ont été particulièrement remarqués pour leur manque de concertation et de sérieux. Briefé par le Maire pour arriver à des conclusions prédéfinies, il ne s’est même pas donné la peine de faire semblant. Forts de leurs échanges avec 8 professionnels et de quelques heures sur place, ses consultants accumulent, dans leur diagnostic, des erreurs dignes des “perles du bac” : selon eux, Chinon serait la seule forteresse médiévale du Val de Loire (un petit bonjour à Loches, Angers, Saumur, Monbazon, Montreuil-Bellay et consorts), et constituerait un cul-de-sac touristique situé en “fin de parcours“. Au lieu d’ouvrir les yeux des élus, dont le champ du vision ne dépasse guère les frontières de la Comcom (qui coïncident malheureusement, à l’ouest, avec celles du département et de la région), Horwath les conforte ainsi dans leur ignorance du territoire touristique “réel” qui va de Saumur à Chinon et inclut, entre autres bricoles, des attracteurs comme Fontevraud, Brézé, Turquant et Montsoreau. Peu importe ! Ce qui compte, c’est d’arriver à valider les intuitions géniales du Maire : la refonte de la place du Général De Gaulle et la transformation de la Mairie en “Halles gourmandes“. Coïncidence, Jean-Luc Dupont à passé les deux dernières années à vider le bâtiment – sans concertation – pour rendre la chose possible…

Curieusement, le cabinet Intencité (connu à Chinon depuis 2017 pour son étude complaisante de la Brèche : “secteur enclavé et contraint à potentiel commercial avéré“) arrive pile-poil à la même conclusion : après avoir poussé la porte de 8 commerces et compilé des statistiques inexactes sur le pouvoir d’achat de la population, ses consultants considèrent justement qu’une Halle gourmande est indispensable à la revitalisation du commerce chinonais. Et pour le prouver, ils prennent en exemple des modèles aussi proches de Chinon que Bordeaux, Paris, Bayonne ou Lille. Sans aucune étude de chalandise et sans tenir aucun compte du trafic routier, ils y ajoutent, pour faire bon poids, la transformation du quai Jeanne d’Arc en promenade-shopping-terrasses. Au passage, la place Hofheim est considérée comme “en périphérie des principaux périmètres marchands” et l’étude fait l’impasse sur l’équilibre centre-ville/zones périphérique et sur l’importance du commerce ambulant.

Après mûre réflexion et 8 entretiens sur place, le cabinet Intencité, qui naguère misait tout sur le site de la Brèche, a conclu que la place Hofheim était trop excentrée pour faire partie du parcours marchand…

Aménagement urbain et commercial : incohérences à tous les étages
R. Mouchel-Blaisot – C’est à un changement du logiciel de l’aménagement urbain que ce programme appelle. Pendant des décennies, on n’a cessé d’éloigner les habitants des emplois, des services et des commerces, aboutissant à vider et paupériser les centre-ville ; en parallèle, beaucoup d’entrées de nos villes et agglomérations ont été banalisées voire défigurées par la prolifération excessive de zones sans âme, avec l’artificialisation inconsidérée de terrains agricoles ou d’espaces naturels. Ce modèle est aujourd’hui économiquement, socialement et écologiquement insoutenable et le repenser est un enjeu sociétal urgent. 

Et à Chinon ? Visiblement Jean-Luc Dupont n’a pas reçu le mémo concernant le “changement de logiciel“, le “modèle économiquement, socialement et écologiquement insoutenable” et “l’enjeu sociétal urgent“. Le PLUIh validé sous sa mandature conforte l’urbanisation de Saint-Lazare (des lotissements d’une épouvantable banalité au pied de sites patrimoniaux remarquables) et prépare l’arrivée (pour mettre fin aux disettes qui sévissent périodiquement sur la rive sud de la Vienne) d’un Super U agrandi , couplé à l’inévitable galerie commerciale et à un parking surdimensionné. Au Blanc-Carroi il vient de renoncer provisoirement (à la dernière minute et sous la pression) à faciliter la construction d’un Drive (sans lequel la rive nord risque de périr de faim)…

Acharné à “vider le centre-ville“, au lieu de maintenir sa fonction centrale, Jean-Luc Dupont a désaffecté l’ancien tribunal et progressivement vidé la Mairie en éparpillant les services municipaux aux quatre coins de la ville, afin de préparer le terrain à ces “Halles gourmandes” qu’il tente d’imposer comme projet-phare de la revitalisation**. Alors que son projet Cœur-de-Ville parle de la nécessité de lieux de rencontre, il a transféré la bibliothèque aux Courances et fermé la maison des associations de la rue Jean-Jacques Rousseau. Sa vice-présidente communautaire à la Culture parle aujourd’hui de déménager le conservatoire de la place Mirabeau aux Hucherolles. Pendant ce temps, les professions libérales (notaires, avocats, experts-comptables) continuent à déménager vers la plaine des Vaux, chaque nouvelle migration, annoncée comme “la der des der“, faisant l’objet de passe-droits qui démentent les engagements pris en public par les élus. Cerise sur le gâteau, les Collectivités financent maintenant une étude pour une opération foncière sur le domaine des Millarges, situé sur la déviation, pour en faire un pôle touristique dédié au vin à l’écart du centre-ville.

En 2018, alors que la Ville avait déjà signé avec l’Etat la Convention de revitalisation qui implique une action forte sur le patrimoine, le service du même nom a quitté la rue Jean-Jacques Rousseau et la maison des Associations a été fermée pour permettre la mise en vente de la Maison Pirondeau à un promoteur.

Patrimoine : un héritage encombrant à céder au plus vite
R. Mouchel-Blaisot – Souhaitons-nous faire de ces centres-villes des musées à ciel ouvert […] ou des lieux vivants, créatifs et inclusifs, où le patrimoine a toute sa place ? C’est bien évidemment cette deuxième option qui préside à la philosophie du programme. Il est à cet égard notable de constater que la quasi-totalité des 222 conventions-cadre qui ont été signées par les collectivités […] prévoient un volet substantiel de valorisation du patrimoine dans l’axe thématique de l’aménagement urbain et paysager de leur projet (plus de 750 actions déjà recensées).

Et à Chinon ? Alors que Chinon est, dans le groupe des 222 villes bénéficiaires du programme, une des rares à posséder, en sus, un plan de sauvegarde et de mise valeur, le patrimoine est totalement absent des projets. Anticipant en permanence le diagnostic et la concertation pour mettre les Chinonais devant des faits accomplis, la Ville a constamment cherché à se débarrasser de ses bijoux de famille, afin d’éviter qu’ils ne soient englobés dans la réflexion : la maison Pirondeau (ex maison des Associations) et l’hôtel Bodard de la Jacopière, situés tous deux en plein périmètre d’intervention, ont été mis en vente à des prix défiant toute concurrence. Promis à des promoteurs de base  (l’un d’eux traînant à sa suite l’inévitable cabinet Barrier, qui est à l’architecture ce que la fanfare est au quatuor à cordes), il sont actuellement en sursis. Rien sur Saint-Etienne, rien sur Saint-Maurice, rien sur le Jeu de paume, sauvé de la ruine en 2017 par un investisseur privé et aujourd’hui à la recherche d’un soutien, au moins moral, pour remettre le bâtiment en état et en faire un nouveau centre d’intérêt pour les visiteurs.

La lumière au bout du tunnel ?
Lorsqu’on leur a demandé leur avis, il y a maintenant  un an et demi, les habitants avaient pourtant été clairs : le patrimoine de la vieille ville est mal entretenu, les rues sont sales et mal éclairées, les espaces publics peu accueillants, le stationnement mal organisé, les attractions touristiques peu valorisées, les services mal signalisés, les quais et les perrés laissés à l’abandon, la programmation culturelle limitée… Mais après avoir fait dépenser à la collectivité des dizaines de milliers d’euros en études qui ont confirmé ces observations sans concessions, les experts appelés au chevet de la ville se comportent comme un médecin qui constaterait que vous êtes couvert de poux, mais qui vous prescrirait des lunettes de soleil au prétexte qu’elles sont mieux remboursées par la sécurité sociale que le shampoing antiparasitaire.

S’ils laissent leurs “élus bâtisseurs” seuls aux commandes de Cœur-de-Ville, les Chinonais se retrouveront bientôt face aux mêmes problèmes de fond, aggravés par le temps qui passe, et plombés de surcroît par l’entretien, la maintenance et l’animation de nouveaux espaces “innovants“, tandis que les fragiles équilibres existants risquent d’être profondément perturbés. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs : quand la poussière sera retombée et que nos experts cravatés auront archivés leurs power points, encaissé leurs chèques et regagné leurs bureaux parisiens, les Chinonais se retrouveront seuls, une fois de plus, pour assumer les conséquences de ce déraillement collectif.

Après une première période placée sous le signe de l’effet d’aubaine (“On a touché le gros lot ! On va pouvoir financer tous nos projets en souffrance !“), les rêves des élus ont été douchés par l’inflexible comité des Financeurs (“Vous ne pouvez pas faire n’importe quoi : le programme Cœur-de-Ville est un programme encadré“). Une seconde phase a consisté à se concentrer sur quelques projets-fétiches, sans lien les uns avec les autres et ne formant pas un programme. Cette tentative de passage en force, qui devait se solder par la signature fin 2019 d’un programme d’actions détaillées, a également été évitée de justesse, l’Etat et les financeurs ayant écarté ce projet farci d’incohérences, et trop précis pour être validé à 3 mois des élections municipales. Le 20 décembre,  l’Etat, les Collectivités locales et les financeurs ont donc signé un programme suffisamment vague pour ne pas insulter l’avenir. Après cette signature, la trêve des confiseurs, puis la campagne électorale viendront suspendre le processus Cœur-de-Ville, que Jean-Luc Dupont compte bien utiliser en guise de programme électoral et dont il s’attribue seul la paternité et le mérite***. Son contenu précis et la manière dont il sera déployé dépendent maintenant de la vigilance de l’Etat et du résultat des prochaines Municipales.

Pour en savoir plus
Lire ici l’article de R. Mouchel-Blaisot


* Dès le départ, la Mairie avait donné aux cabinets-conseils des instructions très précises sur les conclusions qu’il lui plairait de voir émerger. Sachant que les études sont divisées en phase 1 (études) et phase 2 (accompagnement), n’importe quel consultant comprend que, s’il ne valide pas les options du donneur d’ordre dans la phase 1, il peut faire une croix sur la phase 2.
** De 2014 à 2017, Jean-Luc Dupont a seriné aux Chinonais que le salut ne pouvait leur venir que d’un parking-silo en centre-ville. Pas avare d’incohérence, il pousse aujourd’hui un programme qui supprimerait autant de places de stationnement que son projet de l’époque en aurait hébergé.
*** Paternité contestée par son adversaire LaREM, qui explique à qui veut l’entendre qu’elle a négocié le “repêchage” de Chinon dans le bureau du Ministre.

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