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26 avril 2024

Dommages collatéraux : les berges de Vienne transformées en parking ?


Le projet de la Brèche porté par la Mairie et par la SET ne se limite pas à l’emprise de la Brèche et à l’îlot Hofheim. Par un jeu de dominos, il impacte les quartiers limitrophes, de la Forteresse jusqu’aux berges de Vienne, que certains voudraient voir transformées en parking (provisoire ?) le temps du chantier. Une idée combattue par de nombreux Chinonais et, en particulier, par le Collectif Chinonais Environnement, qui a réuni un épais dossier sur le sujet. Synthèse.

Vienne

Parmi les dégâts ” collatéraux” du projet de la Brèche : la possible transformation en parkings (provisoires ?) des berges de Vienne, un des atouts de Chinon, que se soit pour le pittoresque qu’apprécient les touristes que pour la promenade chère aux Chinonais.

Le contexte
Durant le printemps 2015, dans le cadre de la présentation du projet de La Brèche, le Maire de Cinon a évoqué à plusieurs reprises la réalisation d’un parking dans le lit de la Vienne entre la statue Rabelais et la « cale aux canards », que ce soit en réunion publique, en conseil municipal (16 juin 2015) ou par voie de presse. Le Collectif Chinonais Environnement s’est interrogé sur ce projet, annoncé comme provisoire durant la période de travaux de La Brèche (pour compenser les pertes de stationnement du parking de la Brèche) avec une prolongation en port fluvial. Le Collectif a adressé un courrier au Maire de Chinon le 17 juin 2015, à la suite duquel un rendez- vous a été pris avec celui-ci le 24 août 2015, de manière à développer les arguments évoqués dans cette lettre et en exposer de nouveaux. La Ville s’est engagée dans une démarche de communication par la présentation du projet dans un espace dédié en centre-ville. Il y manque l’indication des effets induits par le chantier, à savoir les questions relatives à l’impact du chantier sur la vie quotidienne des Chinonais, au stationnement automobile et plus particulièrement le parking dit sur berge.

Retrouvez le dossier sur le site du Collectif Chinonais environnement

Les services municipaux interrogés à ce propos ont indiqué qu’aucun document n’était disponible au public, mais le projet d’aménagement d’un port, précédé d’un parking provisoire durant la phase de travaux « cœur de ville », se fait dans un cadre législatif et réglementaire qui ne semble pas avoir été pris en compte dans sa globalité :
– Site protégé depuis le 15 juin 1942.
– Site dans le périmètre du secteur sauvegardé (28 mars 2013) dont on sait qu’il est très exigeant.
– Plan de Prévention des Risques Inondation (PPRI approuvé le 09 mars 2012).
– Protection de la faune et de la flore au titre de Natura 2000 (03 novembre 2005).
– Site de Chinon faisant partie intégrante du Val de Loire inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
– Plan Loire Grandeur Nature.
– Article R214-1, Titre III du Code de l’Environnement, relatif à la nomenclature eau, dont deux rubriques concernent directement ce projet en limitant de manière drastique les interventions dans le lit des cours d’eau. Rubrique 3.1.2.0 : installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou en travers du lit mineur d’un cours d’eau. Rubrique 3.2.2.0 : installations, ouvrages, remblais dans le lit majeur d’un cours d’eau.

Un projet très impactant sur le milieu et son environnement

Impact hydraulique
Le remblaiement du lit de la Vienne, mineur et/ou majeur, en réduisant la section de passage de l’eau, aura automatiquement un impact sur le rehaussement de la ligne d’eau à l’amont ; avec pour conséquences à un même débit, des crues à des cotes supérieures à celles d’aujourd’hui. Le projet accélérera le courant (réduction de la section de passage) ce qui accentuera l’érosion et la dégradation des berges de L’Île de Tours, déjà en cours. Il n’est pas exclu que le courant, outre sa vitesse supérieure, soit dévié vers l’île et attaque encore davantage ses berges à un endroit de fragilité déjà constaté. L’étude réalisée, en marge de celle relative à la base nautique, a–t-elle appréhendé sérieusement les aspects hydrauliques et la courantologie ?

Impact écologique

  • Projet de sauvegarde de la moule perlière Margaritifera auricularia, espèce protégée et présente sur quelques rares stations en Vienne. Dans le cadre d’un Plan National d’Action de sauvegarde de cette espèce en voie de disparition, un projet Life, porté par l’Université François Rabelais et financé par l’Europe, a débuté en 2014.
  • La Ville s’est-elle interrogée sur l’éventuelle présence de frayères, zone d’alimentation ou de croissance de la faune terrestre, aquatique et piscicole (castors, avifaune, faune benthique) ?
  • Risque de pollution de l’eau, à chaque submersion, du fait des résidus d’hydrocarbures laissés par les voitures, comme c’est le cas sur tous les parkings « terrestres » quand ils sont « lessivés » par le ruissellement consécutif aux précipitations.

 

Impact sur le patrimoine bâti historique

  • Cales, perrés, quai : les vibrations liées à la circulation des voitures ne vont- elles pas augmenter la dégradation des maçonneries : joints entre moellons, fissure déjà très apparente au niveau de la plateforme de la statue Rabelais, ce qui entraînerait un surcoût important.
  • Les cales n’étant pas faites pour une circulation automobile, il sera sans doute nécessaire de mettre en place un revêtement, qui du fait de l’arrêté d’inscription en site classé devra être réversible et être accepté par la commission départementale.

 

Impact sur l’attractivité du site

  • Le Quai Jeanne d’Arc est un haut lieu de promenade des Chinonais et visiteurs à proximité du Centre-Ville. Quel plaisir est donc proposé à toutes celles et ceux qui apprécient ce lieu ? Se promener avec pour vision des rangées de voitures en contrebas ?
  • Comment imaginer que l’ABF puisse aujourd’hui approuver un tel projet, alors qu’il y a quelques années, dans le cadre de l’extension du secteur sauvegardé, la demande de l’ABF était de supprimer le stationnement sur le Quai Jeanne d’Arc côté Vienne : où est la cohérence ?
  • Sur Chinon, un exemple de projet “provisoire” (et accepté à ce titre par l’Architecte des Bâtiments de France) dans un site sensible, est devenu définitif puisqu’il est en l’état depuis 25 ans : la bulle de tennis. Il est difficile d’imaginer qu’il n’en sera pas de même pour ce parking une fois créé.

 

Gestion, coût et durée d’utilisation

  • Quel dispositif de prévention, d’alerte, est mis en place lors de la submersion annoncée du parking : astreinte (élu + agent), quel délai, qui prévenir, comment évacuer les véhicules qui ne seraient pas enlevés par leurs propriétaires ? Tout cela suppose un système de prévention fiable et efficace. Les villes qui ont conservé des parkings sur berges connaissent la lourdeur d’une telle gestion (le cas est déjà arrivé à la cunette).
  • Après chaque submersion les embâcles seront à évacuer : troncs d’arbre, végétaux, déchets plastiques, matériaux divers… Qui sera chargé de cette évacuation : les services techniques déjà surchargés ? Quelle destination pour les déchets ? Si de la boue limoneuse s’est déposée, sera-t-elle évacuée ? Comment ?
  • L’exploitation de ce parking aura un coût élevé, ce qui ne va pas dans le sens des économies auxquelles sont tenues les collectivités territoriales dans le contexte budgétaire contraint actuel ? Les services techniques seront sollicités fréquemment, ce qui entraînera des dépenses en temps et en argent : ont-elles été évaluées ?
  • Le coût important de ce projet en investissement (quelle en est l’estimation aujourd’hui ?) ne vaut-il pas la peine d’être comparé à des solutions moins impactantes sur le milieu ? D’autant plus que ce parking est annoncé comme provisoire et que son utilisation dans le temps sera limitée puisque submersible. Les premières prospectives de la Ville montrent qu’à une cote d’environ 1m30, le parking devenu port serait hors d’eau entre 3 et 5 mois sur douze : gros investissement par rapport à la possibilité d’utilisation.
  • L’idée de transformer le parking en port après les travaux de la Brèche a-t-elle fait l’objet d’une étude d’opportunité et de faisabilité ? Quel objectif, quel projet, quelle utilisation, quels acteurs, quel coût, quelles retombées pour la ville ? La moindre des choses, avant de lancer un tel projet, est d’avoir des bases solides pour engager des dépenses dont les éventuels retours peuvent être bien aléatoires.
  • L’historique de la ville montre qu’il n’y avait pas d’infrastructure portuaire à cet endroit. Le bâti en est la preuve, très différent par exemple de Montsoreau ou Bréhémont. La bibliographie indique que les quais et cales actuels étaient suffisants pour subvenir aux besoins de la ville (25 bateaux pouvaient y être amarrés) avant l’arrivée du train et de la gare. Plutôt qu’une intervention coûteuse, lourde et irréversible de remblai, une valorisation touristique des quais et cales relève davantage d’un entretien régulier de la végétation des cales et perrés, d’une remise en état du « passe-pied », d’interventions régulières sur la maçonnerie, le pavage et les escaliers d’accès, de garantir l’accessibilité et le nombre d’anneaux à disposition.

 

On peut craindre que ce projet de port ne s’avère inutile, et il serait alors facile de transformer le parking provisoire en ouvrage définitif.

Opposition au projet et solutions alternatives

Le coût important pour la Ville, le remblaiement définitif du lit de la Vienne et une dégradation elle aussi définitive d’un site classé, donnent au Collectif Chinonais Environnement toutes les raisons de nourrir des inquiétudes concernant ce « parkingport » et donc de s’y opposer. C’est d’ailleurs le cadre règlementaire et institutionnel très important évoqué plus haut qui devrait arrêter définitivement ce projet, les interventions en lit mineur et/ou majeur étant réservées à des usages très spécifiques. On a effectivement des difficultés à imaginer qu’un tel projet puisse voir le jour, entre la loi sur l’eau, les exigences de l’ABF (par ailleurs très sévères sur la ville), la préservation au titre du patrimoine mondial, la prévention contre les crues, etc. Un projet similaire a été envisagé en 1985, et c’est l’Etat qui a permis de l’arrêter en s’appuyant sur des réglementations qui, depuis, ont évolué en limitant davantage ce type d’aménagement. Au moment où la plupart des villes, se tournent à nouveau vers leur rivière pour faire de leurs berges des lieux de promenade et de convivialité, en supprimant les aménagements urbains et industriels des décennies précédentes, prendre la décision de remblayer le lit de la Vienne vient à contre-courant de toute la logique mise en œuvre depuis une vingtaine d’années.

La préoccupation de la Ville à ce que les travaux de la Brèche génèrent le moins de difficultés possibles pour la mobilité des Chinonais et des visiteurs est tout à fait légitime. Des solutions alternatives, pour un coût probablement très inférieur au projet de parking dit sur berge, sont possibles : parking “provisoire” sur une partie du terrain des boulistes à l’extrémité des Promenades, navette minibus entre Espace Rabelais et Place Jeanne d’Arc, dessertes de bus Sitravel plus fréquentes… Elles auraient pour avantage de générer des comportements plus citoyens, de développer des services existants (bus) et d’impliquer les divers acteurs de la vie économique locale (commerçants, services) dans la recherche d’une solution temporaire moins pénalisante pour l’environnement, le budget de la commune et celui des ménages. Ces solutions ont de surcroît l’intérêt de ne pas avoir le caractère définitif et les conséquences irréversibles d’un remblai du lit de la rivière.

Document remis à Monsieur le Maire de Chinon en main propre le 24 août 2015 par le Collectif Chinonais Environnement.

Lire aussi – Berges de la Vienne : vers un port dans la ville ? (NR du 02/07/2015)

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