Billet
Un drôle de paroissien
15 janvier 2017
Il y a quelques jours, le maire de Chinon, lors de ses vœux républicains à l’ensemble de la population, a cru opportun d’imposer à ses administrés la présence à ses côtés, sur l’estrade, du « Corcovado » chinonais, afin de les encourager à souscrire à sa restauration.
Il s’agissait d’un modèle réduit – mais pas tant que ça – de la statue installée sur le coteau de Chinon, qui représente le Christ rédempteur, statue érigée, pendant la Seconde guerre mondiale, à l’initiative de l’archiprêtre Joseph-Marie Vivien, pour épargner aux Chinonais les horreurs du conflit.
La présence d’une représentation cultuelle dans une cérémonie républicaine, s’adressant à tous les Chinonais, pose plusieurs questions : comment fait notre maire pour ignorer à ce point ses obligations en matière de laïcité ? Comment fait notre maire pour ignorer que ce n’est pas à la commune de Chinon — et donc à tous les Chinonais — de faire la promotion de la réhabilitation d’un bien privé érigé sur un terrain privé ? Comment fait notre maire pour ignorer à ce point l’histoire de notre pays, et particulièrement les tristes années où l’épiscopat français mélangeait allègrement les hosties et les pastilles de Vichy ?
Pour notre part nous nous contenterons de quelques hypothèses pour tenter de comprendre ce qui a pu provoquer un tel naufrage intellectuel.
Commençons par explorer les voies du Seigneur : notre maire a-t-il eu une divine révélation le conduisant à remettre la suite de son mandat à la grâce de Dieu, seul capable de restaurer une popularité largement battue en « brèche » ? Il se dit pourtant qu’à L’Île-Bouchard, terre de miracle par excellence, il n’en a pas fait.
Lui ferait-on procès que, par pur opportunisme électoral, il s’inspire de la soudaine et récente popularité du châtelain de Solesmes, qui, lui, n’hésite pas à faire savoir qu’il se ressource dans l’abbaye qui fut un temps la charmante hôtellerie du poète humaniste Paul Touvier ?
A moins que, dans un éclair bienvenu de lucidité, il ne soit en quête d’un « sens commun » dont lui-même et sa bande d’apôtres apparaissent singulièrement dépourvus dans la gestion de la ville de Chinon ?
A défaut de réponses, quelques regrets : quel dommage que le curé Vivien, sans nul doute un brave homme, n’ait pas étendu le périmètre de ses prières et de ses pouvoirs surnaturels à l’ensemble de l’humanité. Il aurait ainsi sauvé des millions d’hommes, de femmes et d’enfants.
Pour conclure, partageons l’incrédulité qui nous saisit en constatant l’agitation qui entoure une statue dont l’érection monumentale est bien modeste au regard de son aînée brésilienne. Au moins, celle-ci surplombe la baie de Rio et ses plages où de nombreuses beautés callipyges aux rondeurs angéliques initient de novices jeunes gens à la « vie des saints », et où les plus fervents d’entre eux découvrent la soudaine poussée de leur foi. Ensuite, quelques élus émerveillés par l’ardente révélation des mystères de la création, embrassent définitivement la posture féconde et évangélisatrice du missionnaire. Le moment venu, et comme toujours, Dieu ne reconnaitra que les siens et la République les accueillera tous !
Nous vous souhaitons à tous une très bonne et heureuse année et formons le vœu qu’elle vous soit inspirée par ces mots que nous citons en hommage a notre maire, grand spécialiste des citations rabelaisiennes : « Les beaux bâtisseurs de pierres mortes ne sont pas écrits dans mon livre de vie, je ne bâtis que de pierres vives, ce sont les hommes » — François Rabelais.