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20 avril 2024

Déboisement du coteau
Les autorités s’embourbent, les riverains persistent


En février 2017, des tractopelles entreprennent, sans préavis, de mettre à nu plusieurs parcelles boisées situées sur la pente du coteau, à quelques dizaines de mètres à l’ouest de la chapelle Sainte-Radegonde. Les riverains habitant au bas de la pente et dans la rue Paul Huet se mobilisent alors contre ce chantier, rapidement identifié comme illégal, et décident de mettre les multiples autorités garantes du respect de la loi face à leurs responsabilités. Huit mois plus tard, malgré les protestations de bonne foi et les promesses d’inflexibilité, les autorités balancent dangereusement entre régularisation, prescription, et respect de la loi…

Les travaux de défrichement ont éradiqué la végétation et détruit des murets de soutènement sans aucune autorisation, en dépit des prescriptions de Sécurité, de l’Urbanisme et du Patrimoine.

Février 2017 : à la grande surprise des riverains du coteau Sainte-Radegonde et de la rue Paul Huet, des engins de chantier se positionnent sur la pente du coteau et des travaux de défrichement débutent. Ils s’interrompent au bout de quelques jours, pour reprendre de plus belle sur les parcelles cadastrées AT 88, 89, 90 et AS 823, parcelles cédées par la mairie, le 13 septembre 2016 à la sœur du premier-adjoint . Ces parcelles sont dans le périmètre de la ZPPAUP (Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager), zone dans laquelle tous les travaux doivent faire l’objet d’autorisation expresse de Architecte des bâtiments de France, pour rester en conformité avec les prescriptions portant sur le patrimoine bâti et non bâti. Des recherches plus approfondies, menées par les riverains, révèlent que ces travaux, réalisés dans le but d’implanter de la vigne, vont à l’encontre de toutes les prescriptions : le déboisement et la plantation de vigne dans le sens de la pente sont clairement identifiés comme dangereux. Les parcelles font partie du périmètre du Plan d’exposition aux risques naturels prévisibles, réglementé par les services de l’Etat, et la Direction départementale de l’équipement (DDE). Il existe plusieurs zones de fragilité sur Chinon et celle du coteau est en zone rouge (risque maximal). Aucune intervention (bâtie ou non bâtie) ne peut être entreprise sans l’autorisation explicite de la DDT.

Un peu de chronologie…

  • 14 mars : les riverains déposent une lettre-pétition auprès du Maire de Chinon signée par les habitants des abords directs de la zone concernée, afin de l’alerter sur ce sujet.
  • 15 mars : les riverains alertent les services de l’Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine, responsables de l’application du règlement de la ZPPAUP.
  • 16 mars : les travaux s’accélérant, les riverains contactent la Nouvelle République et demandent un rendez-vous au Maire de Chinon.
  • 17 mars : les riverains alertent le Sous-Préfet et l’informent des travaux de déboisement effectués sans autorisation en dépit de la réglementation imposée par la ZPPAUP et par le PER.
  • 24 mars : le Sous-Préfet saisit le service territorial de l’architecture et du patrimoine, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement et M. le Maire de Chinon.
  • 24 mars : dès 8 heures du matin, le premier-adjoint est vu sur le terrain concerné, échangeant avec les conducteurs des deux tractopelles prêts à intervenir. Jusqu’à ce moment, un seul engin intervenait. Les dégâts sont spectaculaires.
  • 24 mars : les riverains reçoivent reçoivent une réponse de l’Architecte des Bâtiments de France à leur mail du 15 mars, qui leur indique qu’elle relaie l’information à la mairie.
  • 24 mars : la police municipale fait cesser les travaux. A cette occasion, le premier-adjoint étant présent, les riverains constatent qu’un des tractopelles passe du chantier privé au chantier public de Touraine Logement (résidence Elsa), s’agissant de la même entreprise de travaux publics.
  • 28 mars : rendez-vous avec le Maire de Chinon (sollicité le 16 mars). Le Maire confirme aux riverains que les travaux sont illégaux.
  • 29 mars : illégalité des travaux confirmée par le Sous-Préfet.

Les pelleteuses ont attaqué le soubassement de la rue du coteau Sainte-Radegonde, fragilisant le cheminement communal.

 

Réunion au sommet
Au 1er avril 2017, tous les acteurs publics concernés (le Maire et ses adjoints, les services de l’Architecte des bâtiments de France, la Direction régionale de l’environnement et de l’aménagement, la Direction départementale des territoires, le Sous-Préfet et le Préfet) sont donc rappelés à leurs devoirs et informés de la situation des travaux. Les irrégularités sont à la fois avérées et reconnues. Le 3 mai, les autorités se retrouvent sur site pour examiner la situation. Elles demandent alors à la propriétaire du terrain de ” missionner très rapidement Cavités 37 [le syndicat intercommunal chargé des expertises sur les cavités] pour faire des préconisations sur les mesures d’urgence à mettre en place pour protéger le coteau et sur les plantations à faire pour respecter la réglementation de la zone. ” La soeur du premier-adjoint doit également ” prendre l’attache d’un paysagiste qui élaborera un projet de reboisement et de plantation de vignes selon les conclusions de Cavités 37 “, moyennant une autorisation de travaux à déposer en Mairie ” en régularisation “, avec, ” au regard des enjeux historiques du site “, l’avis du Service régional de l’archéologie.

Si Cavités 37 le dit…
“”D’un point de vue technique, deux critères sont essentiels pour les plantations sur coteau : le sol (acidité, présence de calcaire, profondeur du sol, caractéristiques granulométriques et de texture…) et l’orientation (degré d’ensoleillement, hygrométrie locale…). De ces critères propres à chaque site, vont découler les choix des espèces à installer, les distances de plantation et le type de plants. D’un point de vue paysager, le choix du type de réalisation tient compte de nombreux paramètres; par exemple, la proximité d’une habitation, la continuité d’un boisement forestier, le contact de terres agricoles, la proportion de feuillages caducs et persistants. […] Toute action qui vise à supprimer les arbres de haut jet ne devra se faire que très progressivement (en plusieurs années) par sélection d’arbres à éliminer et en s’assurant que les strates végétales basses occupent déjà le sol. […] Celui qui exécute des travaux qui sont la cause d’éboulement, de fissures ou d’écoulement d’eau, en assume la responsabilité. (recueil des usages locaux du département d’Indre-et-Loire • 1980) “. Dans ” Les plantations des coteaux “, Lettre d’informations de Cavités 37 n°2.

Un suivi qui laisse à désirer
En réalité, 8 mois plus tard, rien ne semble avoir bougé et les riverains ont beau relancer, les autorités se font de plus en plus évasives : on parle désormais d’un ” aménagement paysager de la parcelle […] en cohérence avec l’environnement patrimonial mais également la stabilité de la roche “.

Pour les riverains et pour les observateurs, dont la Nouvelle République,  les questions s’accumulent : comment ces manquements en série ont-ils pu passer inaperçus ? Pourquoi les pouvoirs publics ont-ils laissé faire ? Comment la propriétaire des terrains, si proche du premier adjoint chargé de l’Urbanisme, a-t-elle pu ignorer à ce point la réglementation ? Pourquoi a-t-il fallu attendre la réaction des riverains et le recours au Sous-Préfet pour que les travaux soient suspendus ? Pourquoi commence-t-on à parler de ” régularisation ” et pourquoi ne demande-t-on pas, purement et simplement, la remise en état du terrain ?

Inévitablement, un second volet du dossier émerge alors en amont de tous ces questionnements : il concerne les conditions dans lesquelles le terrain a été cédé par la Mairie et, plus généralement, la proximité entre le premier-adjoint (chargé de l’urbanisme) et la nouvelle propriétaire (sa soeur), mais aussi entre le premier-adjoint et Cavités 37 (chargé in fine par les autorités de l’arbitrage technique), une structure dont il a été président jusqu’en 2014 et dont il est toujours membre du bureau.

D’une part, la cession des parcelles concernées s’est faite sans publicité, alors qu’au moins une association était en liste d’attente pour un projet sur le site. D’autre part, l’estimation demandée aux Domaines pour préparer la vente indique que le terrain sera cédé à un viticulteur, ce qui contrevient aux prescriptions de l’Urbanisme et du Patrimoine, et se révélera faux à l’usage (la nouvelle propriétaire n’ayant pas cette qualité). Formellement, l’évaluation des Domaines est en outre périmée à la date de délibération (20 mois d’âge contre 12 mois maximum). Enfin, il semble que le premier-adjoint n’ait pas pris, lors du vote, la précaution élémentaire de s’abstenir (les documents divergeant à ce sujet, le compte-rendu du conseil municipal indiquant un vote à l’unanimité des présents, le registre des délibérations indiquant l’abstention de l’intéressé). Les explications embarrassées de la Mairie peinent à convaincre les riverains : la soeur du premier-adjoint aurait été prioritaire à l’achat, car déjà propriétaire d’une parcelle voisine (AT 220) elle aussi plantée en vignes. La plantation de vignes sur cette parcelle serait par ailleurs ” prescrite ” car effectuée en 2014. Sauf, rétorquent les riverains, que la possession d’un terrain ne confère aucune priorité pour l’acquisition des terrains mitoyens et que la prescription étant de 36 mois, rien n’est prescrit étant donné que la vigne a été installée plus récemment.

Devant tant d’approximations et d’arrangements avec la réglementation – et avec la vérité – on hésite entre un procès en incompétence (méconnaissance, de la part des élus, des prescriptions d’urbanisme, des formalismes administratifs de base et des précautions élémentaires à prendre pour écarter les soupçons de conflit d’intérêts) et une légitime suspicion (à Chinon, quand on est élu, on a tous les droits et, si on se fait prendre, on prescrit ou on régularise). La rentrée sera, pour les riverains et pour les observateurs, l’occasion de faire la part entre les deux interprétations, en fonction des actes posés par les autorités théoriquement garantes du respect de la loi et de la réglementation.

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