Billet
… comme une mule
19 octobre 2017
En 2014, Jean-Luc Dupont, laissant un souvenir mitigé à ses administrés de L’Île-Bouchard, se faisait élire à la mairie de Chinon sur deux promesses (elles n’engagent, dit-on, que ceux qui les croient) : la revitalisation du centre-ville et la transparence.
Arrivé dans la sous-préfecture avec des ambitions visibles mais mal définies (législatives ? sénatoriales ?), le premier magistrat a, depuis, manqué les deux marches. Peut-être pour avoir misé sur le mauvais cheval et s’être imprudemment affiché avec François Fillon (ah [claque sur le front] quelle idée de monter sur ce damné podium du Trocadéro !). Plus sûrement pour avoir, en accumulant les boulettes, insinué le doute dans les esprits des grands élus LR de Touraine (“s’il n’est pas capable de se débrouiller avec une ville de 8.000 habitants…”).
Le fil rouge de ses déboires aura été, depuis ses premiers pas, le projet Cœur-de-ville : un aménagement parking-logements-commerces qui, appliqué sur les plaies du Vieux-Chinon, devait, selon lui, agir comme une panacée (c’est-à-dire un traitement universel qu’on peut donc utiliser sans avoir posé le moindre diagnostic). On verrait bientôt, une fois le programme sorti de terre, les habitants repeupler le centre ancien, le petit commerce refleurir dans des surfaces “modernes et adaptées”, dynamisées par “un grand parking de proximité” et un plan de circulation “apaisé”, le tout couronné par un restaurant tout à la fois étoilé et panoramique.
Errare humanum est…
Las ! Rien ne s’est passé comme prévu : le projet, bâclé, mais présenté en fanfare à la population en décembre 2015, s’est lentement enlisé sous son propre poids. Malgré les rapports biaisés, les études confidentielles, les bénéfices surestimés et les coûts sous-évalués, les chiffres, encore plus têtus que le maire, ont fini par avoir raison : ils ont entraîné par le fond Cœur-de-ville, ainsi que la belle amitié que le premier magistrat avait noué avec la Set, la société d’économie mixte chargée de l’aménagement et administrée… par les grands élus LR de Touraine.
Malheureusement pour les Chinonais, le maire, naturellement peu porté à l’autocritique, n’aura tiré aucune leçon de cette Bérézina. Comme dans les communiqués d’état-major, il ne s’agit aucunement pour lui d’une déroute, mais d’un “repli stratégique sur des positions préparées à l’avance”. Il considère aujourd’hui avoir habilement manœuvré pour faire progressivement lâcher prise à la Set, engagée depuis 30 ans aux côtés de la municipalité, sans fâcher outre mesure ses camarades de parti et en enterrant, sans jamais paraître renoncer, un projet en partie hérité de l’ère Dauge-Duvergne.
Non content d’avoir perdu la moitié de son mandat sur un dossier condamné, le maire est aussi parvenu, en trois ans, a fédérer contre son projet une opposition résolue et active, qui a mis en lumière à la fois son caractère absurde et l’absolu manque de transparence qui – malgré la promesse initiale – caractérise la “méthode Dupont”. Annonces prématurées, marches-arrière improvisées, réponses dilatoires, manœuvres d’évitement ou de retardement, comités “Théodule” abandonnés à peine créés, études cachées : le maire pilote chaque dossier à la godille, sans aucune concertation, armé de quelques idées fixes et, le plus souvent, motivé par des effets d’aubaine.
Perseverare diabolicum…
S’il concède aujourd’hui que les problèmes du Vieux-Chinon restent entiers après l’abandon de son projet fétiche, Jean-Luc Dupont – qui traverse désormais sa ville l’oreille collée au portable pour éviter d’être interpellé – n’a pourtant aucune intention de changer de méthode. A peine enterré le plan circulation-stationnement associé à Cœur-de-ville, le voilà qui fait voter un budget pour le renouvellement des parcmètres de la ville, signifiant ainsi qu’il reconduit un existant qui ne satisfait personne, sans même avoir jeté un œil aux propositions de zone bleue portées par les associations. Alors que les commerçants du centre et l’ensemble des défenseurs du patrimoine s’interrogent sur la suite des événements, il lance le doublement du Grand Carroi et le lotissement des entrées de ville. A peine évanouies les salles associatives qui devaient être collées au nouveau parking, il décide de transférer à Rochelude la maison des association, dévitalisant ainsi un peu plus le centre ancien. A peine sorti d’un procès à propos du permis de construire de la médiathèque des Courances, il annonce que celle-ci a été abandonnée, mais sort de son chapeau un nouveau projet, parachuté dans la rue Paul Huet.
Circulation, stationnement, commerce, attractivité : alors que Cœur-de-ville, qui devait prétendument tout résoudre, est mort et enterré, le maire – qui a entre-temps dégradé la situation en augmentant la fiscalité locale et en laissant le champ libre aux grandes surfaces – se refuse à présenter un nouveau projet de ville, préférant organiser, autour de la vente des biens communaux et inter-communaux, un “Chinopoly” réservé aux initiés. Malgré l’intérêt constant manifesté par les Chinonais pour les questions d’urbanisme – voir le succès des différentes réunions-débats et de la démarche “Penser Chinon” menée avec l’Ecole spéciale d’architecture de Paris – il n’a jusqu’ici mis en place aucune concertation sincère avec la population. Equipé d’un logiciel politique datant des années 80 [1880], Jean-Luc Dupont persévère, seul et obstinément, dans les erreurs qui ont marqué la première moitié de son mandat. Il y a fort à parier que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la seconde partie – il ne lui reste que 2 ans et 5 mois – sera couronnée des mêmes succès.
Jean-Luc Dupont, qui a longtemps clamé qu’élu avec 63% des voix, il avait carte blanche pour faire ce qu’il voulait à Chinon, ferait bien de reprendre ses notes, de recompter ses bulletins et de réaliser qu’il n’a en fait – si l’on considère les 6.204 inscrits sur les listes électorales – recueilli que 37% des suffrages. Et même ceux qui avaient alors voté pour lui se demanderont en 2020 où sont passées les belles promesses, la transparence et la transformation du centre-ville.