Les recettes de Marie-Javelle
L’ÉLU RÉTICENT A LA SAUCE MARIE-JAVELLE
1 – Élisez un beau candidat à la Mairie, puis portez-le à la tête de votre communauté de communes.
2 – Ajoutez un premier-adjoint venu du bâtiment qui apportera à votre plat le goût des affaires, proche de celui de l’oseille.
3 – Laissez-les mariner deux ans et demi dans leur jus.
4 – Normalement vos élus vont se resserrer et relâcher de moins en moins d’informations. Piquez-les alors à intervalles réguliers en les saupoudrant avec une bonne dose de Marie-Javelle fraîche et forte.
5- Vous les verrez alors se répandre dans les colonnes de la Nouvelle République : mettez ce jus de côté (il est indigeste, et d’aucuns le prétendent même toxique).
6 – Continuez à leur administrer de la Marie-Javelle (une fois par semaine environ).
7 – Au bout d’un mandat, soulevez le couvercle : votre candidat de 2014 doit être cuit et son premier-adjoint carbonisé.
8 – Jetez-les tous les deux et conservez la sauce Marie-Javelle. Elle vous servira à préparer le candidat suivant.
LE CONSEIL MUNICIPAL A L’ÉTOUFFÉE
1- Sur le marché, prenez deux bottes de conseillers municipaux, une composée de mâles, l’autre de femelles. Les mâles émettent des bruits rauques et tendent à s’agiter d’avantage, mais, si vous ne savez pas les différencier, demandez au marchand qui vous conseillera. Vous choisirez de préférence une variété locale, issue du terroir et engraissée de promesses.
2 – Après les avoir bourrés d’études, de rapports et de motions, réunissez vos conseillers autour d’un ordre du jour fouetté à la hâte. Dans une salle disproportionnée, dressez-les en arc-de-cercle et attendrissez-les avec quelques déclarations liminaires, abondamment mouillées de larmes de crocodile. Faites-les sauter du coq à l’âne, délayez la sauce, saupoudrez avec les chiffres que vous avez sous la main.
3 – Au bout d’une heure et demie, la plupart des conseillers est attendrie et inerte, mais il n’est pas rare que les plus colorés continuent à s’agiter. Si tel est le cas, séparez les fauteurs de trouble, tapez-leur sur les nerfs, cassez-leur les pieds, piquez-les à vif, puis roulez-les dans la farine.
4 – Laissez alors votre conseil cuire à l’étouffée, jusqu’à deux heures ou plus, si certains conseillers sont particulièrement coriaces. Laissez refroidir. Démoulez le compte rendu plusieurs semaines plus tard, en prenant la précaution d’en ôter les morceaux les plus juteux. Les recettes du conseil communautaire, du conseil départemental ou du conseil régional sont toutes basées sur la recette du conseil municipal et obéissent aux même principes, mais elles exigent un tour de main assuré.
LE PLU AUX PETITS OIGNONS
1 – Le PLU aux petits oignons est un des grands plats de la gastronomie française, apprécié en région comme sur les meilleures tables de la capitale. Il convient d’abord, pour l’exécuter dans les règles, de parcourir la ville et la campagne pour y repérer quelques beaux morceaux de foncier disponibles. S’ils ne sont pas encore bâtis, c’est probablement qu’ils sont protégés par le PLU et c’est pourquoi il va falloir cuisiner celui-ci pour les rendre consommables.
2 – Prenez votre PLU, décortiquez-le, mettez-le à plat, triturez-le dans tous les sens, arrosez-le de jargon et lardez-le d’acronymes, afin de le rendre inaccessible au commun des mortels.
3 – Préparez la sauce : pendant plusieurs mois, faites-la monter en lardant vos interventions de références à l’économie et au développement, sans oublier, à chaque passage, de rajouter une couche sur l’emploi. Ne mentionnez le foncier qu’en passant : à trop insister, vous pourriez gâter la sauce.
4 – Après les avoir mis de côté suffisamment longtemps pour les faire oublier, sortez vos morceaux de foncier et intégrez-les vivement à votre PLU après les avoir colorés de la teinte qui vous convient pour qu’ils apparaissent constructibles. Il ne reste plus qu’à ajouter les petits oignons. Servez bouillant : la vapeur couvrira les retouches.
5 – Si vos convives trouvent le goût un peu fort, nappez abondamment de sauce et abreuvez-les de perspectives enivrantes.
Astuce – La perspective de déguster un PLU aux petits oignons peut aiguiser les appétits et il faut toujours, pour faire patienter les plus affamés, garder un pot de vin au frais. Vous n’en aurez peut-être pas besoin, mais vous pourrez toujours le faire miroiter à vos interlocuteurs.