Doigt dans l’œil
De quoi le Drive Leclerc est-il le nom ?
29 décembre 2019
Serpent de mer des conversations chinonaises, le projet de Drive imaginé par l’enseigne Leclerc fait figure de cas d’école pour qui observe, dans la durée, l’étrange quadrille (deux pas en avant, trois pas en arrière) que dansent la Mairie, la Comcom, Leclerc et le groupe Chessé.
Quand ça veut pas, ça veut pas ! On ne pourra pas dire que le Leclerc du Blanc Carroi n’aura pas tout essayé pour faire passer son projet de Drive. A trois reprises, les promoteurs du projet ont convaincu les élus de leur faciliter la tâche. A trois reprises, ils ont été à deux doigts d’obtenir ce qu’ils voulaient. A trois reprises, ils ont été déçus. Le 2 décembre, ils ont décidé de forcer le passage et de déposer un permis de construire.
Drive déporté ou Drive accolé ?
Il y a de cela trois ans, la ville de Chinon tentait de faire passer, sous couvert d’une modification de PLU, une extension massive de la ZAC, dans le triangle compris entre le rond-point des Closeaux, la route de Tours et la déviation. En arrière-plan, le projet d’un “drive déporté“, une des modalités utilisées par la grande distribution pour proposer à ses clients le retrait express des marchandises commandées en ligne. Cette première tentative ayant échoué (il reste quand même quelques lois qui encadrent ce genre d’affaire, et quelques services de l’Etat pour les faire respecter), une autre modalité restait jouable : le drive accolé (sous entendu “accolé au magasin-père“).
Caramba, encore raté !
Au Blanc-Carroi, cette formule se heurtait cependant à un problème d’espace : pour aménager son Drive sur le site actuel du Leclerc, l’enseigne devait en effet l’installer sur l’arrière et empiéter ainsi, du fait de l’espace contraint, sur le parking du personnel. La solution ? Se donner un peu de marge en redéfinissant les limites de propriété ! C’est ainsi que le sujet s’invite en 2018 à l’ordre du jour de la Comcom Chinon Vienne et Loire, qui gère la ZAC. Au prétexte que le tracé du périmètre, effectué au crayon gras, laissait une incertitude sur les terrains couverts par l’épaisseur du trait (on exagère à peine), les élus, soudain très motivés, proposaient de les inclure dans le périmètre de la ZAC, astuce un tant soit peu “kolossale” qui leur aurait permis de traiter l’affaire de gré à gré, dans le cadre de la convention d’aménagement. Nouveau refus des services de l’Etat, alertés par l’opposition municipale chinonaise. Ils conseillent alors au promoteur du projet de réaliser son projet à périmètre constant, quitte à édifier un parking sur pilotis pour le personnel.
Deux pas en avant, trois pas en arrière
Un parking sur pilotis ? Le coût de l’opération ayant fait tiquer Leclerc, les élus, toujours sensibles aux arguments des “porteurs de projet” remettent le couvert fin 2019. Quelques semaines avant que la signature de la Convention de revitalisation ne vienne compliquer les choses, c’est la Mairie de Chinon qui vole opportunément au secours du Drive en tentant de mettre à l’ordre du jour du Conseil municipal une délibération proposant de vendre purement et simplement à Leclerc les trois parcelles critiques (elles permettraient de réaliser un Drive accolé sans avoir à construire un parking sur pilotis). Il faut dire que le promoteur y a mis le prix : l’enseigne propose de payer 45.000 euros les quelque 1.000 m2 dont elle a besoin, soit 73% de plus que l’estimation des domaines.
Hélas, trois fois hélas, cette nouvelle tentative, amenée avec l’habituelle “kolossale finesse“, ne sera pas mise au vote : le Maire de Chinon, alors en pleine négociation avec l’Etat sur le programme Cœur de Ville, préfère la retirer à la dernière minute.
Il l’annonce triomphalement aux commerçants réunis le 2 décembre pour parler de son projet de revitalisation du centre-ville. Le même jour, Leclerc, excédé par ce quadrille où il trouve qu’on lui marche trop souvent sur les pieds, décide de passer en force et dépose sa demande de permis de construire. En espérant qu’elle parvienne à la Commission départementale d’aménagement commercial avant que n’entrent en vigueur les nouvelles obligations crées par la loi Elan. La demande, déposée avant le 1er janvier 2020, a toutes les chances d’échapper à ces nouvelles contraintes, notamment celle de faire réaliser, aux frais du demandeur, une étude d’impact conduite par un cabinet indépendant. Elle pourrait cependant se heurter aux nouvelles prérogatives de la Préfecture, qui peut, quand un programme de revitalisation est engagé dans la commune, demander un moratoire de trois ans renouvelable un an.
Caramba !