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25 avril 2024

Opération Cœur de Ville
Un ascenseur pour les chafouins


En intégrant la liste des 222 villes bénéficiaires du dispositif de revitalisation gouvernemental, Chinon a-t-elle vraiment décroché la timbale ? Peut-être, si la Municipalité accepte de se plier à la méthode proposée par les services de l’Etat. Certainement pas, si elle persiste à vouloir fourrer dans le dossier des projets en mal de financements, sans rapport avec la revitalisation et déconnectés d’un véritable diagnostic. Comme “la deuxième partie du lien vertical”, une opération absurde à 663.000 euros dont la Mairie espère bien refourguer le financement à l’Etat…

Le “tampon” préfectoral Action Cœur-de-Ville devrait faciliter l’accès aux financements, mais il n’y a pas de guichet unique et chaque financeur reste maître de ses décisions…

Le 13 décembre 2017, le Gouvernement annonçait en fanfare qu’il débloquait 5 milliards d’euros pour revitaliser les centres anciens. En mars 2018, sortait la liste des 222 villes bénéficiaires du dispositif, dans laquelle Chinon figurait en queue de classement par taille de population. Un repêchage inespéré où les observateurs ont tout de suite vu la main d’Yves Dauge*, grand Manitou local et inusable remis en selle, dans les tout derniers jours du quinquennat Hollande, par la remise à Bernard Cazeneuve d’un rapport sur le sujet .

Le mirage des 5 milliards d’euros
Comme souvent, la fumée des annonces se dissipant, il fut bientôt clair que ces 5 milliards n’étaient pas réellement “débloqués” : pour y accéder, les bénéficiaires devraient aller frapper aux guichets habituels (Agence nationale de l’habitat, Caisse des dépôts, Action logement, Département, Région, etc.). Leur seul avantage : bénéficier, sur le dossier qu’il tendront aux détenteurs des cordons de la bourse, d’un tampon préfectoral “Action Cœur de Ville” censé faciliter le relâchement de ceux-ci.

Pour obtenir ce coup de tampon, l’Etat exigeait alors le respect d’une méthodologie apparemment rigoureuse, inspirée par une vision managériale tout droit descendue du Premier de cordée : mise en place d’une équipe dédiée et formée à la gestion de projet, diagnostic détaillé et participatif de la situation, définition de priorités, rédaction de fiches-action, commissions, validation, engagement, suivi, évaluation…

Un dispositif et un pilotage dévoyés
Il y a loin, hélas de la coupe aux lèvres, et la transposition à Chinon d’une méthode conçue pour des villes beaucoup plus importantes semble d’ores et déjà y poser quelques problèmes.

Là où l’Etat souhaitait une “comitologie” réduite à  un “comité de projet”, la Ville et sa Comcom ont pondu un dispositif pléthorique et redondant (“comité de projet” + “équipe projet” + “comité de pilotage” fourre-tout où siégera… Yves Dauge + “commissions techniques thématiques”), en profitant de la confusion ainsi créée pour altérer la composition du comité de projet souhaité par l’Etat (on n’y trouve plus de représentant du monde économique).

Surtout, là où l’Etat souhaitait le recrutement d’un “Directeur de projet dédié”, garantie d’un suivi méthodique et professionnel du processus, les élus ont choisi de bombarder à la tête du dispositif Jean-Vincent Boussiquet, dont le moins que l’on puisse dire, au vu de ses innombrables casquettes, est qu’il n’est pas “dédié”, et dont on ne sache pas qu’il ait, à un moment ou à un autre, été formé à la conduite de projet. Qu’importe, à la fois décideur et animateur, il va piloter le programme au milieu des innombrables conflits d’intérêts que génère son passé d’entrepreneur du bâtiment et de multipropriétaire. En tout cas, s’il conduit cette affaire comme celle des désormais mythiques “ronds-points carrés” du Pont Aliénor, ou comme le défrichage sauvage du coteau sainte-Radegonde au profit de ses projets viticoles, les Chinonais ont réellement du souci à se faire.

Dès le mois de juin, dans le bulletin municipal, la Mairie court-circuitait la phase de diagnostic en annonçant le lancement de plusieurs chantiers clairement déclenchés par un effet d’aubaine.

Des traitements prescrits avant tout diagnostic
Enfin, là où l’Etat exigeait, avant tout engagement, un “diagnostic préalable approfondi”, les élus, avant même d’examiner la situation et convaincus de leur compétence innée (ce même travers qui nous a mis dans la situation actuelle), ont déjà tiré leurs conclusions.

Dès le mois de juin, alors que la convention avec l’Etat était encore dans les limbes et qu’aucune réflexion sérieuse n’était engagée, Jean-Luc Dupont, jetant aux orties la méthode proposée, annonçait déjà dans le journal municipal : “un premier programme [immobilier] à côté de la résidence des Charmes” et “les premiers travaux pour compléter l’ascenseur de la Brèche avec un petit lien vertical reliant la rue du Puy des Bancs à la Rue de la Porte du Château”, projet d’ailleurs inscrit au budget de la Ville dès le mois de mars. Plus porté sur les effets d’aubaines que sur la stratégie, le Maire de Chinon a également glissé dans le dossier l’aménagement des abords de l’espace Rabelais et un peu de voirie rue Paul Huet. En quoi ces trois projets, évalués à plus d’un million d’euros, vont-ils contribuer à revitaliser le centre-ville ? Mystère…

Le “petit” ascenseur (en blanc) coûtera au moins 663.000 euros et ne sert à rien : le dénivelé qu’il prétend résoudre est inférieur à ceux qui resteront à grimper jusqu’à la route de Tours ou jusqu’à l’entrée sud de la Forteresse…

663.000 euros pour arroser le BTP local 
Le “petit” ascenseur (une dizaine de mètres de haut, coupant le panorama sur la vallée de la Vienne), en particulier, est symptomatique de la tambouille qui s’organise autour du fonds de revitalisation. Imaginé dans le cadre du défunt projet de la Brèche, ce résidu de programme issu des croquis du cabinet Barrier est présenté aujourd’hui – emballage oblige –  comme un outil de revitalisation de la ville basse. Qu’importe que le dénivelé qu’il résoud (celui de l’épingle à cheveux de la rue du Puit-des-bans) soit inférieur à ceux qui resteront à grimper jusqu’à la route de Tours ou jusqu’à l’entrée sud de la Forteresse. Qu’importe également que les autres liens avec la ville basse (la rue Jeanne d’Arc et l’escalier de la Brèche), qui pourraient être mis en valeur et attirer ainsi le public vers le Carroi ou la place des Trois Grâces, restent dans leur état actuel d’abandon. Qu’importe encore qu’avec 663.000 euros on puisse rendre tous les bâtiments publics et une bonne partie des commerces  de la ville accessibles en un an. Qu’importe enfin que cette nouvelle verrue à 663.000 euros n’ait fait l’objet d’aucune présentation à la population et soit totalement déconnecté d’un projet global.

Les Chinonais se rassureront en espérant que les échelons départementaux, régionaux et nationaux, qui vont superviser le déblocage des fonds, jouent pleinement leur rôle pour exiger un peu de sérieux et mettre un frein aux improvisations des élus. Et puisque ces derniers se trouveront, en dernier ressort, au guichet des habituels bailleurs de fonds, il y a fort à parier que ceux-ci, auxquels l’Etat a tordu le bras pour leur faire “mettre de côté” de quoi alimenter le programme, mettront en point d’honneur à décortiquer les dossiers et à tempérer l’impatience brouillonne de nos Tartarins chasseurs d’aubaines.

*Le même Yves Dauge, qui, en son temps, creusa les comptes publics, urbanisa les entrées de ville, posa les bases du Blanc Carroi et prépara ainsi le dévissage du Vieux Chinon, et qui va aujourd’hui de ville en ville pour administrer des leçons d’urbanisme et fustiger le développement des grandes surfaces et le mitage urbain.

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